Comment les pratiques numériques récréatives varient-elles selon le genre ? Les jeunes sont-ils×elles exposé×es aux mêmes interactions et comportements sur Internet ? Quels sont les enjeux en termes d’un meilleur Internet pour tous et toutes ? 

Le 10 octobre 2023, Média Animation organisait en partenariat avec le Conseil Supérieur de l’Education aux Médias un « Betternet Lab » dans le cadre de la Semaine Numérique autour des enjeux d’égalité de genre pratiques récréatives des jeunes à partir de la question centrale :  Les loisirs connectés des ados : du divertissement pour eux, des risques pour elles ?

Plus de cinquante professionnel∙les des secteurs de l’éducation, de la culture et du social ont participé aux activités de cette journée à Bruxelles visant à partager, identifier, discuter et débattre de ces questions de genre dans une perspective d’éducation aux médias.

 

Tout d’abord, la recherche-action « Chill & Play » qui a permis de sonder les pratiques des jeunes et leur perception genrée a été présentée.  D’une part , la méthodologie , et plus précisément l’outil d’animation (disponible ici) ont été présentés. Mais aussi, les résultats collectés à travers cette animation mise en œuvre avec un public adolescent âgé de 12 à 15 ans.

De ces résultats, se dégagent trois tensions principales qui ont ensuite été mis en débat avec les participants sous la forme de groupes de discussion et de jeux de rôles.

Exposées sur les réseaux sociaux, invisibles dans les jeux vidéo : comment les filles sont amenées à naviguer entre deux sphères numériques paradoxales

Ce premier thème fait référence au paradoxe qui a été observé entre deux sphères numériques : d’un côté, les filles s’exposent fortement sur les réseaux sociaux en publiant des photos et vidéos d’elles-mêmes ; de l’autre, elles se rendent invisibles dans les jeux vidéo en évitant les communautés de joueurs ou en masquant leur identité de genre. 

Cette thématique soulève plusieurs questions : Quels sont les rôles de genre associés aux différentes sphères numériques ? Comment les pressions et attentes sociales influencent-elles les pratiques en ligne des filles ? Comment lutter contre ces injonctions paradoxales ? 

« Ni victime, ni coupable » : la passivité (masculine) face aux violences sexistes en ligne

Cette deuxième thématique met en lumière le phénomène observé lors des animations, selon lequel les garçons ne se percevaient pas comme victimes de violences sexistes et ne se considéraient pas non plus comme les auteurs de ces comportements. Ils estimaient ne pas avoir de responsabilité par rapport à ces violences et demeuraient passifs, n’agissant en aucune manière contre ces actes qu’ils affirmaient seulement observer. 

Quelles actions et pistes de solution peuvent alors être envisagées pour limiter les violences sexistes en ligne ? Et surtout, qui a la responsabilité de les mettre en œuvre ? Quelle est la responsabilité individuelle lorsque l’on est témoin de ces violences ? 

La communauté des joueurs : un climat masculin et un manque d'inclusivité

Ce dernier thème souligne le climat masculiniste omniprésent à travers de nombreuses communautés de joueurs. Si depuis quelques années, la diversité et l’inclusion ont pris une place plus importante dans l’industrie des jeux vidéo (on retrouve plus de personnages féminins dans les jeux, ils sont représentés de façon moins sexiste, etc.), au travers des animations menées les joueuses souffraient d’un manque significatif de reconnaissance sociale dans ce hobby et n’avaient pas le sentiment de faire partie de la communauté “gaming”.

Ainsi, l’industrie prend-elle réellement suffisamment de mesures pour rendre les jeux vidéo et leur communauté plus féminine ? Et de façon plus globale, comment offrir aux joueuses une plus grande reconnaissance sociale de leurs pratiques ?

Au cours de ces trois ateliers, les participant×es étaient notamment amené×es à réfléchir à des stratégies d’actions pouvant être déployées à divers niveaux pour contrer les problématiques de genre en ligne tels que, par exemple, :

  • L’industrie des réseaux sociaux et du jeu vidéo pourrait rendre publics et modifier les algorithmes des réseaux sociaux qui favorisent la viralité de contenus violents 
  • Les instances de régulation pourraient Imposer des sanctions aux industries qui ne font pas preuve de suffisamment de modération et d’engagement envers la lutte contre les discriminations
  • Les créateurs et créatrices de contenus pourraient prendre ouvertement position contre les violences sexistes (plutôt que de rester passif), assumer ses responsabilités et servir d’exemple
  • Les professionnel·les de l’éducation pourraient a border de manière différente les thématiques des réseaux sociaux et des jeux vidéo dans les milieux éducatifs ;
  • Les citoyen×nes et internautes pourraient Lutter contre l’effet de groupe qui peut parfois donner le sentiment de ne pas être concerné par la problématique du cyberharcèlement

Ensuite une table ronde de débat a invité plusieurs intervenant.e.s à prendre la parole autour des enjeux évoqués lors des ateliers participatifs du matin. Ils ont relevés tout une série de problématique tel que le phénomène du « victim blaming », de la fonction « role model » des créatrices de contenus, de l’anonymat numérique, du suivi de plaintes pour cyberharcèlement sexiste, ou de la méconnaissance voir du malentendu quant à la perception des adultes à l’égard des réseaux sociaux et des jeux vidéo.

La journée s’est clôturée avec les présentations de deux intervenant×es sur les perspectives éducatives de ces enjeux comme éléments de conclusion par rapport aux discussions tenues tout au long de ce BetternetLab.

Le rapport complet de cette rencontre est disponible en français ici.

Auteurs:

Anne-Claire Orban et Simon Hurd

Média Animation asbl